Date de tournage: novembre 1991
Lieu de tournage: Studios Sets à Stains (France)
Réalisateur: Laurent Boutonnat
Durée: 05’13
Clip présent sur : L’autre…
Production : Heathcliff S.A.
Budget : environ 45.000 €
VIDEO CLIP

Synopsis : Laurent Boutonnat
Directeur de la photographie : Jean-Pierre Sauvaire
Montage : Agnès Mouchel
Costumes : Jean-Paul Gaultier
Costumière : Carine Sarfati
Chorégraphie : Mylène Farmer
Photographe : Claude Gassian
CLIP « JE T’AIME MELANCOLIE »
Dates du tournage : novembre 1991 - Tournage du clip (Deux jours de tournage (un jour pour le combat de boxe, un jour pour la chorégraphie) aux studios Sets à Stains, dans la Seine-Saint-Denis)
06/12/1991 – 1ère diffusion du clip (‘Tous à la une’ – TF1)
Suite au meurtre du réceptionniste de Polydor, Mylène Farmer part aux Etats-Unis (officiellement pour passer son permis de conduire). Elle fuit en fait les réactions qu’a pu provoquer l’acte de cet homme vexé de ne recevoir aucune réponse à ses lettres !
Laurent Boutonnat lui, commence à préparer pendant ce temps, le tournage de Giorgino qui commencera exactement dans un an. A cette période, il est en plein repérage dans le Jura avec le décorateur du film : Pierre Guffroy. Il prendra toutefois quatre jours pour tourner le clip de Je t’aime Mélancolie.
Après quelques jours de préparation pour la construction (sur mesure) du grand ring de boxe, deux jours de tournage sont consacrés aux scènes de combat. Les deux autres jours de tournage sont eux réservés à la chorégraphie orchestrée par Mylène Farmer. On note que les dix danseuses derrière Mylène sont les mêmes que celles de la promotion de Désenchantée, neuf mois plus tôt.
Mis à part Sophie Tellier qui, pour la première fois, n’assure plus la coordination des ballets. Elle a décidé juste avant le clip de cesser momentanément sa collaboration avec Mylène et Laurent pour se consacrer à sa propre carrière. Elle attend le tournage de Giorgino pour revenir ….
On pressent déjà la fin proche de l’univers de Laurent Boutonnat pendant Je t’aime Mélancolie. L’histoire se fait mince, la durée se fait courte, et on succombe de lus en plus à l’esthétique du clip. Ses derniers véritables courts-métrages n’ont visiblement pour unique but d’en arriver à l’oeuvre ultime : Giorgino. Après ce film, d’ailleurs comment ne pas comprendre qu’il n’est pas la peine faire autre chose ?… Qu’aurait pu faire Laurent l’année suivante qui n’aurait pas paru comme fade ? Il ressemble tellement à u aboutissement que l’univers semble difficile à prolonger. Vu de cette façon, Je t’aime Mélancolie peut être lu comme un avant-goût de « l’après Mylène » chez Laurent Boutonnat. Des clips comme Populaire se rapprocheront d’ailleurs plus de ce film que de mises en scène plus ambitieuses telles Tristana ou Sans Logique.
Contexte :
Un homme est à la corde à sauter. Mylène, elle ne s’entraîne pas et semble se concentrer comme pour entrer sur scène. Nous sommes dans un gymnase sombre, juste avant un combat. Des voix masculines se font entendre en bruit de fond, comme si dans une autre pièce, on pariait sur quelqu’un. Nous sommes en fait dans un vestiaire. L’entraînement de l’homme est intensif. La personne qui lui fera face ne devra pas compter sur sa pitié. Mylène elle montre son absence d’attendrissement en éteignant par la seule force du poing la flamme d’une bougie. La partie peut commencer .. Nous sommes au bord d’un ring de boxe aux dimensions irréelles. L’espace l’entourant est quant à lui plongé dans l’obscurité. Les cris lointains d’une foule font penser à des spectateurs placés trop loin pour assister correctement au combat. Les seuls intéressés sont les 2 adversaires et nous-mêmes qui sommes placés idéalement aux premières loges d’un affrontement souvent évoqué au sens figuré, mais jamais au sens propre : la guerre homme-femme, la guerre des sexes. Comme elle aime à le dire la même année que le tournage : Mylène « a encore ici quelques comptes à régler avec la gente masculine », comme précédemment dans Pourvu qu’elles Soient Douces et Pas de Doute.
Chaque combattant à son propre coach (tous deux des hommes) un arbitre vient sur le ring donner le coup d’envoi du combat (un homme aussi). Les regards sont cruels et promettent une haine réciproque qui semble aller bien au-delà des cordes d’un ring… on pense évidemment au jeu de regards entre Libertine et son adversaire duelliste, lorsque l’issue du combat penchait autant d’un côté que de l’autre partie. Après le coup d’envoi, les deux corps se tournent autour durant tout le premier couplet de la chanson. Les deux personnes sont très sérieuses et ne laissent rien transparaître, contrairement aux sourires pervers entre les adversaires de Libertine et Sans Logique. C’est là où intervient la folie de Boutonnat, éternel adepte du décalage et de l’inversion. Parallèlement au sérieux, à la durée et la virilité du combat, Mylène toute souriante danse avec deux danseuses derrière elle sur la même musique qui rythme les coups des deux adversaires, sensés être sur le même ring. Sa tenue es légèrement différente, s’étant vêtue d’un porte-jarretelle sous une guêpière faisant étrangement référence au sadomasochisme. Contrairement au départ de Thierry Rogen pour le mixage un an plus tard, on ne regrettera pas le départ de Sophie Tellier du clan Farmer-Boutonnat. La chorégraphie de Je t’aime mélancolie est d’une grande élégance et d’une très haute tenue. De plus, elle est une des plus rythmées et dansantes qu’ai inventé la chanteuse.
Une brève coupure entre les deux rounds ne fera que relancer les regards haineux à défaut de les calmer. Le combat reprend de plus belle, et la tension montant de plus en plus, le combat commence à dégénérer. Les coups bas se multiplient et le soudain acharnement de l’homme sur la femme pour la mettre KO oblige l’arbitre à intervenir. Il se recevra rapidement un coup de poing dans le nez donné par l’homme qui le rendra KO se faisant ridiculement évacuer par les entraîneurs. Désormais plus de pitié, plus personne ne peut arrêter le match qui dégénère. Les deux combattants s’affronteront jusqu’à la mort. Ils enlèvent même leurs gants de boxe pour se livrer à un véritable combat d’arts martiaux. Alors la chorégraphie s’accélère et les danseuses derrière Mylène Farmer ont à présent des gants de boxe aux mains pour exécuter la chorégraphie qui devient infernale. Dans le combat, les hauts coups de pied fusent, au bord de l’épuisement, l’issue du combat est proche et la femme est en faible posture… ; elle utilisera les dernières forces qui lui restent pour tournoyer sur elle-même et envoyer à son malheureux adversaire un coup de pied dans la tête qui le fera passer par-dessus les cordes du ring.
[…]
Beaucoup verront dans ce combat l’affrontement entre la chanteuse populaire et la critique, le texte de la chanson y faisant plus ou moins référence. Ce serait plutôt un mélange de réaction vindicative contre une critique douloureuse, de masochisme (la tenue) face à l’homme croyant détenir tous les pouvoirs et de double emploi (toujours récurrent dans le cinéma de Boutonnat) entre le bourreau (elle gagne) et la victime (l’issue du combat ne lui apportant absolument rien).
ANALYSE SVP …………..
Le tournage de Je t’aime Mélancolie se situe avant les repérages définitifs du long-métrage Giorgino dont les prises de vue débuteront un an plus tard, pendant la promotion de Que mon cœur Lâche. Comme pour laisser la voie libre à l’ambition pour ne pas dire la mégalomanie de Girogino, Boutonnat semble avoir mis un frein sur les moyens qu’il mettait en oeuvre jusqu’à présent.
Au sein de celle-ci la chanteuse interprète certaines parties de la chanson en question. L’avantage de cette structure est à la fois de mettre l’artiste en avant, de justifier tous les avantages scéniques qui lui sont attribués (éclairages, maquillages parfois outranciers, accessoires et danseurs) sans que cela nuis pour autant au récit éventuel, puis de se rapprocher du cinéma de fiction en y intégrant une histoire ou même un fil conducteur ténu qui implique une intrique auquel le spectateur pourra se rattacher, voire s’identifier.
En somme, le problème que pose Je t’aime Mélancolie est sur plusieurs plans un problème de limites ; en se séparant des attributs que lui-même avait créé, comment Laurent Boutonnat peut-il continuer de se faire remarquer pour continuer de créer l’événement, la longueur en moins.
Afin de maquer cette carence, Boutonnat joue précisément sur le changement quasi radical au lieu d’adapter, de raccourcir, et de modifier par touches parcimonieuses ce qu’il savait faire et qu’il appliquait sans cesse depuis sept ans. Le réalisateur se décide à se battre avec les mêmes armes que ses confrères au lieu d’en chercher de nouvelles. Puisque c’est finalement bien de promotion dont il s’agit ici, c’est précisément le format-chanson, avec une histoire simple, une imagerie plus légère, des costumes et maquillages plus actuels et sans génériques, sans suite ou presque que les clips postérieurs à Désenchantée ont pu compter sur une exposition plus large dès leur sortie.
Peut-être orientés par les paroles de la chanson, certains critiques ont lu le clip comme une métaphore d’un combat de l’interprète contre eux. Dans cette optique, les images peuvent être vues comme l’adaptation de certaines phrases de la chanson dont elles s’inspirent : « Une sauvage née vaut bien d’être estimée, elle fait souvent la nique aux trop bien cultivé […] Pour plaire aux jaloux il faut être ignorée. » ce rapport avec la réalité du métier que subissent Laurent Boutonnat et sa muse au quotidien, le réalisateur ira jusqu’à le figurer dans son casting ; il fera appel à un vrai boxeur poids-léger yougoslave et à un arbitre français professionnel ; Gérard Boutonet.
La tenue de Mylène Farmer pour les plans de chorégraphie (une guêpière en cuir ornée de clous soutenant des porte-jarretelles noirs) laissent penser à un arrière plan sado-maso appuyé par l’isolement de l’homme et de la femme sur un espace scénique (le ring). Soumis au regard d’un public, isl seraient venus sur ce ring pour se faire mal physiquement avec le consentement de l’autre. Seulement ces pistes ne mènent guère très loin par rapport au texte de la chanson, même extrapolé ; la seule suivie à l’époque fut celle de l’hyperbole sur la critique.
L’homme sur le ring, symbolisant la critique au sens large, perd le match ; et la phrase-titre reprise comme un leitmotiv régulièrement : « Je t’aime mélancolie », résonnerait comme une revendication face à ceux qui avaient reproché au couple Boutonnat-Farmer leur imagerie négative.
Après le retrait symbolique de la critique face aux coups portés par la chanteuse à la fin du clip, celle-ci se retrouve plus seule que jamais désormais livrée à elle-même, coupée du regard extérieur, près de ce public plus silencieux que jamais devant lequel elle devra tôt ou tard livrer un nouveau combat pour le distraire. Le silence de glace qui clos le clip fait pourtant bien comprendre que la gagnante a eu ce qu’elle a voulu ; et que libérée « des jaloux », elle est à présent ignorée. L’ennemi battu, elle n’est pourtant libérée de rien, prisonnière de la scène et écrasée par les faisceaux de ces projecteurs qui l’exposent peut-être davantage qu’elle ne l’aurait voulu.
