Jean-Pierre Sauvaire (Chef opérateur)

Jean-Pierre Sauvaire – Correspondant de la section des créations artistiques
dans le cinéma et l’audiovisuel
Né le 8 octobre 1948 à Marseille.
Élu, le 21 octobre 2009, correspondant de l’Académie des Beaux-Arts
(section des Créations artistiques dans le Cinéma et l’Audiovisuel)
Jean-Pierre Sauvaire est l’un des chefs opérateurs les plus réputés en France et il a travaillé sur des films aussi important que Taxi, Vidocq ou Le boulet. Fidèle compère de Laurent Boutonnat, c’est lui qui apporta cette lumière éclatante et particulière à de nombreux clips, et bien sur au film Giorgino. Rencontre passionnante, dans le calme d’une brasserie feutrée.
En 1966, Jean-Pierre Sauvaire entre à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Marseille, dont il sort diplômé en 1970. Il s’installe à Paris en 1972 et décide de se consacrer à la photographie puis au monde du cinéma.
Dans les studios et sur les tournages, il se familiarise avec les équipes, les caméras, les éclairages en décors, et s’oriente définitivement vers le métier de chef-opérateur et de directeur de la photographie.
De 1973 à 1979, il est le premier assistant de plusieurs directeurs de la photographie de renommée internationale, notamment Peter Biziou, Adrian Biddle, André Diot, Gerry Fisher. En 1980, après un séjour d’un an aux Etats-Unis où il complète sa culture cinématographique, il devient chef-opérateur. Il collabore alors à un grand nombre de tournages de films publicitaires prestigieux, de clips musicaux, de courts métrages auprès de nombreux réalisateurs : Etienne Chatiliez, Jean-Baptiste Mondino, Claude Miller, Jean-Paul Rappeneau…
À partir de 1993, il se consacre entièrement au long métrage et collabore étroitement avec Laurent Boutonnat, Alain Berbérian, Gérad Pires ou encore Frédéric Schoendoerffer, sur des films d’auteurs, d’action et de divertissement. En 2001, lors du tournage du film Vidocq, il est le premier à présenter pour le cinéma des images issues d’une caméra numérique haute définition.
ARTICLE Interview PARU A » I NSTANT.MAG » de 2003
Jean-Pierre Sauvaire explique : Dans l’équipe image, j’ai suivi un parcours traditionnel qui m’a amené, après avoir été assistant pendant environ sept ans, à exercer mon métier de chef opérateur (ou directeur de la photo), notamment dans le publicité, le clip, et, depuis quelques années, dans le long-métrage. Le chef opérateur « met en lumière » les images, c’est-à-dire qu’à travers son travail et son regard sur l’image, il sert au mieux une histoire, un scénario, un metteur en scène. Mettre en image, cela recouvre l’aspect technique : caméra, machinerie, lumière, gestion d’équipe et de matériel, choix de la pellicule, etc. Le métier recouvre également, tâche très importante, l’aspect artistique, c’est-à-dire la direction de la lumière, du cadrage, des ambiances de couleur, des choix de contraste et une collaboration, voire une complicité assez forte, avec le chef décorateur. C’est un métier à la fois technique et artistique.
J.P Sauvaire s’exprime sur les Clips
En ce qui concerne mon travail sur les clips, il y a eu ma rencontre avec Laurent Boutonnat et Mylène, avec lesquels j’ai beaucoup travaillé entre 1984 et 1993, date du tournage de Giorgino. Je les ai rencontrés tout à fait par hasard, tout simplement parce qu’à l’époque, nous étions voisins. Nous partagions une maison près de Denfert-Rochereau, Mylène et Laurent en occupaient une partie, ma future femme et moi, l’autre. Laurent savait que j’étais chef opérateur. Un jour, il est venu me demander un coup de main pour tourner le clip Plus grandir. Suite à cette formidable première expérience, j’ai éclairé de nombreux clips, dont les plus marquants furent Pourvu qu’elles soient douces, Sans logique, Regrets, et Désenchantée, qui reste je crois pour Mylène l’un de ses meilleurs souvenirs de tournage. J’ai également participé au tournage du film de la tournée 1989, dont on a fait brûler le décor à la fin, dans un champ à la campagne, tout près des studios d’Arpajon !
Les clips Regrets et Désenchantée, tournés à Budapest, ont servi d’une part à tester la production hongroise avant le tournage de Giorgino ; d’autre part aussi parce que, c’était bien écrit dans le scénario, nous voulions nous assurer un enneigement maximum, ce qui est en principe le cas en hiver dans ces régions. Laurent voulait également s’imprégner de cet univers des Carpates. La différence de coût de production entre la France et certains pays de l’Est est tout à fait significative, notamment en ce qui concerne le budget de la décoration. La main d’œuvre est moins chère, els charges sociales également, la location des plateaux et des studios est bien moins onéreuse qu’à Paris. Finalement, pour différentes raisons, le tournage a eu lieu en Tchécoslovaquie, à Prague, pour les décors en studio, et dans les montagnes en Slovaquie pour les extérieurs. Ma collaboration à Giorgino en tant que chef opérateur s’est faite naturellement. Dans ce métier en général, il y a une certaine fidélité, les équipes se suivent d’un projet à l’autre.
Conditions extrêmes du Tournage de Giorgio
J’ai été présent sur le tournage, qui a démarré le 2 janvier 1993, jusqu’à la fin du mois de mai 1994. La Slovaquie était censée être l’endroit le plus enneigé de l’Europe de l’Est à cette époque de l’année. Le repérage s’est effectué au préalable, les décors ont été construits à la fin de l’été précédent pour qu’il neige dessus, mais, lorsque nous sommes arrivés pour tourner, le 2 janvier, et alors que nous cherchions la neige et les ciels tourmentés, il faisait un temps magnifique, plein bleu comme on dit dans le métier ! C’était catastrophique pour le film et pour l’image. Pendant deux semaines, en attendant la neige, nous avons du utiliser ce qu’on appelle des « coversets », c’est-à-dire ce qui avait été prévu pour tourner certains décors intérieurs en cas d’intempéries. Il a continué à faire anormalement beau. Évidemment, les gens du coin n’avaient jamais vu ça depuis vingt ans ! Il a donc fallu trouver des solutions, faire venir de la neige de Pologne, des canons à neige d’Allemagne afin d’enneiger les décors pendant la nuit. L’autre condition climatique extrême était le froid, aggravé par cette absence de neige. Il s’est mis à faire un froid glacial (-20°, -30°) qui faisait geler une partie du matériel, comme les câbles électriques ou les machines pour faire la neige artificielle. Les caméras aussi ont souffert de ces conditions. Je garde le souvenir d’une expérience professionnelle très forte, d’un tournage très excitant malgré les difficultés. J’aime les films « poids lourds ».
Pendant le tournage, j’avais des échos positifs de mon travail sur l’image. Richard Pezet, le distributeur du film, venait de temps en temps sur le tournage, il visionnait des rushes et il trouvait l’image très belle. Une fois que le film est sorti, j’ai eu les mêmes échos, mais ça, c’est la pire des choses : quand on vous dit simplement que l’image est superbe, cela veut dire qu’il y a un problème sur le film. Je pense que Giorgino est raté. L’accueil par la presse, on s’en fout, ce qui compte, c’est le public, qui n’est pas venu. Si le public va voir le film, pour moi c’est gagné. Évidemment, pour Giorgino, Laurent était attendu au tournant, Mylène aussi. Avant cet échec, tout ce qu’ils avaient entrepris avait réussi. Ils étaient passés à travers les courants, les modes, les critiques. Ce film ne m’a jamais rien apporté en termes de renommée, plutôt même de la moquerie ou des critiques. En revanche, il se passe un phénomène étrange depuis quelque temps : des gens, qui étaient sans doute teen-agers à l’époque et adoraient ce que faisait Mylène, me contactent régulièrement. Aujourd’hui, ils sont devenus réalisateurs, scénaristes ou producteurs, et ils me parlent du film. J’ai même reçu des propositions de cinéastes qui souhaitaient avoir le même style d’image que sur Giorgino.
La rupture de Jean-Pierre Sauvaire :
Il y a eu une espèce de rupture émotionnelle après le film. J’ai évidemment suivi la carrière de Mylène. Je l’ai croisée, il y a deux ans, sur le tournage du film Vidocq, su lequel elle était passée. Je n’ai plus vu ni parlé avec Laurent depuis la sortie de Giorgino en salles. S’il a envie de faire à nouveau un film un jour, s’il a une histoire à raconter, je lui souhaite pleinement d’y arriver. Il a un talent fou.
Instant-Mag de 2003